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17h Requins – Michel Pascal
France, 1991/2015/2020 jeu musical immersif avec dispositif interactif 32 pistes
Commandé par le Centre International de Recherche Musicale, la première version de Requins était originellement installée dans le plus grand aquarium d’Europe au centre Nausicaa, à Boulogne-sur-Mer. La musique y a été projetée en continu pendant 20 ans, à même l’architecture. Alors entièrement électronique, elle était diffusée dans une bulle étanche située au centre d’un immense bassin, à l’intérieur duquel le public entrait pour voir flotter les squales tout autour.
On pourrait presque qualifier son design sonore d’impressionniste, puisqu’il s’agissait de susciter chez l’auditeur des sensations contradictoires, à la fois de bien-être et de danger, de manière quasi inconsciente. Requins chemine au long d’une ligne de crête entre la douceur d’un frôlement et la puissance potentielle que l’on ressent en contemplant ces magnifiques carnassiers, le danger d’être déchiré à tout instant dans un monde d’apparence si calme. Quelque chose comme la sensation de toucher avec les oreilles, une peau de squale, des dents de rasoir, et le lointain bleu sans fond.
Cette pièce est conçue pour être écoutée en boucle, à partir de n’importe quel point. Quelle que soit l’attention qu’on y porte, sa forme à beau sembler en mouvement, elle se retourne toujours sur elle-même comme un ruban de Moebius.
En 2015 j’ai réalisé une orchestration de la musique originelle, afin d’en faire une œuvre de concert. Dans la version immersive Micadôme, les instruments de musique sont répartis dans diverses zones acoustiques tout autour de l’auditeur, le plaçant un peu dans la position d’écoute d’un chef d’orchestre. Un dispositif de jeu lui offre la possibilité de spatialiser et mixer ad libitum, en temps réel, divers sons de vagues, de gouttelettes et d’oiseaux marins transformés, tout en gardant les mêmes impressions contemplatives d’une musique qui avance sans cesse vers son point de départ, un peu comme dans un dessin d’Escher.
17h45 Théories sous-marines - Theodoros Lotis
Grèce 2002, œuvre stéréo adaptée au dispositif 32 pistes en 2025 en spatialisation spectrale
16mn
Theodoros Lotis distribue la texture spectrale sur de multiples registres. Ces couches interagissent, elles vont et viennent, entrant en relation sympathique ou exerçant une pression les unes sur les autres tout en cherchant leur place. Nous accumulons une image mentale de l’espace et de la vastitude, à mesure que nous observons ces comportements et que nous absorbons l’accrétion de ces détails microcosmiques.
Pour Theodore Lotis, la distribution des sons dans l’espace spectral et le temps génère un environnement diffus, d’une manière similaire à ce qu’accomplit la lumière naturelle. Ainsi, les concepts liés à la luminosité (brillance, transparence, opacité) exercent une grande influence sur le développement de l’image spatiale. Par exemple, je pense aux graves opaques qui, en plus d’apporter de la profondeur aux textures, suggèrent de grands espaces par leur continuité. Il y a ensuite les pulsations, particules et impulsions, qui forment le microcosme. Celles-ci sont beaucoup plus lumineuses et résident dans des registres plus élevés. Et il ne faudrait pas oublier les glissandi gravitationnels, dont l’énergie nous propulse à travers l’espace spectral, à moins que leurs mouvements plus délicats n’évoquent des images aériennes. Je remarque également une certaine sensibilité à la hauteur et à l’harmonie, qui sont parfois l’échafaud sur lequel une texture repose, offrant des points de référence aux départs et aux arrivées, ainsi qu’à la navigation à travers l’espace spectral.
Bien qu’il y ait des traces de sons connus (mais pas toujours clairement identifiables), bien que les métaphores tissées par les titres des œuvres révèlent les espaces des phénomènes naturels (eau, vent, air, lumière), nous ne demeurons pas ancrés dans notre monde. Cette musique cherche à nous transporter dans un ailleurs imaginé et d’une grande expressivité.
Denis Smalley [traduction française : François Couture, 2008]
« Quand je regarde le fond de la piscine à travers la densité de l’eau, la mosaïque se dévoile par les reflets de l’eau. Si seulement ces déformations, ces rayons de lumière n’existaient pas, si je regardais la géométrie de la mosaïque sans l’intervention de la lumière, alors j’aurais arrêté bien avant de le voir en objectivité : au-delà de chaque espace identique. » — Maurice Merleau-Ponty, « L’œil et l’esprit », 1964
